Une mamy dit un jour à sa petite fille de 18 mois, en pleine phase d’opposition :
« Alors toi au moins tu sais dire non! Ce n’est pas comme ta mère! »
La perception de cette mamy était que sa fille ne savait pas dire non à sa propre fille. Et si, au fond, cette maman avait fait le choix de dire « oui »…?
La vie d’un enfant, dès lors qu’il commence à crapahuter est ponctuée de « non ».
« Non te touche pas la prise« , « non ne porte pas cela à ta bouche« , « non ne touche pas c’est chaud« . Les limites autour de la sécurité, du danger, sont les premières que les parents installent. Puis viennent celles du respect des autres, du cadre, de soi, des horaires, des contraintes multiples et régulières que nous apporte la vie.
- Doté de ce film de protection, l’enfant était autorisé à découvrir le monde
L’enfant entend ce « non » dès son plus jeune âge, que nous soyons laxistes ou prévenants, autoritaires ou bienveillants, ou les quatre à la fois. Et le « oui »…? Dans quelle mesure le prononçons-nous? C’est la question que s’est très tôt posée cette maman quand ses enfants ont commencé à grandir. A quel moment je prononce « oui », un « oui » de liberté, d’autorisation. Le « oui » qui permet d’escalader, d’ouvrir un tiroir pour voir ce qu’il y a dedans, de se servir de l’eau avec une bouteille bien remplie, d’apporter des verres qui cassent à table, de grimper aux arbres, de retourner les pommes de terre dans la poêle… Cette maman avait dessiné son cadre de sécurité et les limites que nous venons de citer. Expliqué à son enfant quels étaient les dangers, les risques. Et doté de ce film de protection, son enfant était autorisé à découvrir le monde, à expérimenter, à grimper plus haut, à se tromper même parfois, à réparer donc, à éponger, aspirer, ramasser…
Non seulement cette maman savait dire « non », mais elle savait aussi dire « oui ».
- A quel point projetons-nous nos craintes?
Dire « non », est somme toute très naturel et instinctif, surtout avec un enfant qui n’a qu’une envie, celle de conquérir le monde. Mais à quel point projetons-nous sur lui nos propres craintes? Quel danger court-il finalement? Quel risque je prends à lui laisser la bouteille pour qu’il se serve…? Mes croyances ne sont-elles pas limitantes?
Dire « oui » n’est pas si facile. Or bien souvent ce « oui » nous fait gagner tellement de temps. En pleine nuit, ma fille de 3 ans, avec 40 de fièvre me dit « j’ai faim« . Je commence par lui dire « non ce n’est pas l’heure, c’est la nuit, tu ne vas pas manger à cette heure-ci« . Elle répète plus fort et commence à s’énerver « j’ai faim« . Je décide alors de lui répondre « Ho oui tu as faim!« . Et… elle se tait!
Que s’est-il passé? J’ai validé son besoin, je l’ai écoutée, j’ai cessé de justifier, d’expliquer… Elle, ce qu’elle voulait, c’était être entendue, comprise et finalement, cela l’a rassasiée…!
Dire « oui » ne veut pas dire tout autoriser et transformer notre enfant en tyran. Mais le « oui » est souvent bien plus efficace que l’engrenage de la lutte de pouvoir.
« Maman, tu m’achètes un journal? »
« Non chéri, je t’en ai déjà acheté un hier »
« Mais MAMAAAAAN, je VEUX un journal, je VEUX un journal, il est trop bien celui-là, je ne l’ai pas. S’il te plaîîîîîîît!!!!!!!!! »
« Ha oui, il a l’air super bien ce journal et tu le veux vraiment! De quoi aurais-tu envie d’autre…? Moi j’ai envie d’une glace! J’ai hâte qu’il fasse beau et chaud pour qu’on s’offre une glace tous les deux. »
Fin de la négociation. L’enfant est entendu, compris. Sa maman partage son émotion et fabrique une envie commune qui peut se transformer en bon moment à vivre ensemble plus tard. L’enfant et la maman sont gagnants.
Apprendre à dire « oui », est une bonne gymnastique. Au-delà d’ouvrir le champs des possibles, c’est souvent un bon moyen d’arriver à nos fins respectives. Le « oui » a tout autant d’impact s’il est suivi de « oui demain« , « oui 5 minutes« , « oui dans 5 minutes« , « oui, bonne idée pour ton anniversaire« . Bien plus d’impact que « non! Tu vois bien que j’ai les mains pleines« , « Non je suis trop fatiguée« , « Non tu es déjà beaucoup trop gâté« … ça se tente!
Julie Renauld Millet, thérapeute systémique. Accompagnement Parents Enfants