
Après six mois passés, pour la plupart, en tête à tête avec nos chers enfants, nous attendions ce 1er septembre avec impatience et fébrilité. Il fallait pour eux, pour nous, retrouver nos espaces respectifs, nos activités d’adultes, leurs activités d’enfants et – en passant – leur scolarité mise en pointillés.
Durant le confinement, les parents ont été mis à rude contribution. Ils ont joué le jeu, ont gagné souvent en qualité de liens. Ils ont découvert ou redécouvert leur façon de travailler, leurs difficultés, leurs forces. Les enfants ont pour beaucoup profité de leurs parents comme jamais ils n’avaient eu l’occasion de le faire en partageant, par exemple, les trois repas quotidien pour la plus grande joie de la cantinière (ou le cantinier) commise d’office. Ce confinement a été une chance pour certains d’entre eux, mais à l’évidence, pas pour tous. Pour les adolescents, notamment, l’isolement a pu être vécu comme une gageure dans cette période où rien ne compte plus que le lien social. Dans les foyers plus démunis, l’école à distance n’était parfois pas faisable ou si complexe. Trop de familles ont souffert.
Entre mars et juillet, les semaines se sont enchaînées dans un rythme infernal entre télétravail, école à distance, maison à tenir, repas, jeux, disputes, etc. ponctuées par les nouvelles anxiogènes des professionnels de santé et les chiffres alarmants tournant en boucle dans les médias.
Résultat : au début de l’été les batteries étaient vide. La violence, l’agressivité et les tensions débordaient dans les familles, à force de vivre les uns sur les autres dans l’angoisse de la maladie, de la mort, de la contagion, de perdre son travail ou de difficultés financières, manquant d’espace, de repos et de temps.
Les familles essorées par ces six derniers mois attendaient cette rentrée avec impatience pour enfin passer le relais.
- Le vase communiquant du rhume
Or à peine rentrés, nous assistons à la fermeture des premières classes, au risque de devoir à nouveau arrêter le temps pour prendre en charge la scolarité et le quotidien de nos enfants, en plus de notre vie professionnelle qui était tout juste en train de redémarrer. La colère, l’agacement, le découragement grondent. Et le climat redevient électrique. Alors que les crèches et les écoles se vident, les cabinets des pédiatres et les labo s’engorgent. Au moindre signe : gorge enrouée, nez qui coule, maux de ventre ou 38 de fièvre – lot quotidien des 0-6 ans à cette époque de l’année – retour à la maison et certificat du médecin pour repartir en classe.
D’aucuns s’en prennent tantôt à l’école, tantôt au gouvernement, à la société, aux jeunes qu’ils qualifient d’irresponsables, aux médias accusés d’en faire trop… Il faut un coupable, ils refusent de subir à nouveau, ils n’ont plus le ressort pour continuer d’accepter. Découragés et de plus en plus sceptiques, ils perdent confiance et patience.
Pour attaquer cette rentrée la tête haute et tous ensemble – car nous ne nous en sortirons pas si nous ne jouons pas collectifs – les familles ont plus que jamais besoin de soutien, et pas seulement économique et financier. Un soutien psychologique, moral, un soutien dans la gestion du quotidien, un soutien de la part de leurs entreprises, de leur managers, un soutien de l’école pour que leurs enfants gardent le lien avec leurs camarades et les enseignants au-delà de leurs acquisitions scolaires.
Les enfants quant à eux, ont une grande faculté d’adaptation. Ils ont appris à vivre avec des masques ou des adultes masqués autour d’eux, à recevoir du gel sur leurs petits doigts dix fois par jour, appris à vivre dans cette incertitude latente, mais ils ont besoin d’un cadre fort, sécurisant, et de parents disponibles. Et pour que ces derniers le soient, il leur faut rapidement retrouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Des outils, des leviers existent pour y parvenir et repartir sur de bons rails.
Le rapport remis cette semaine par Boris Cyrulnik et son équipe au gouvernement sur les 1000 premiers jours de l’enfant est un très bon premier pas pour lutter contre l’isolement et le surmenage des parents. Ces 1000 premiers jours sont cruciaux pour créer le lien parent/enfant et poser les fondations.
Ce n’est pas parce que nous avons tous été enfants que nous saurons éduquer les nôtres seuls, sans soutien, sans guide. Et ce n’est pas faire aveu de faiblesse de demander de l’aide car oui élever un enfant c’est dur, complexe, décourageant parfois, épuisant souvent, les 1000 premiers jours et bien au-delà.
Julie Renauld Millet, coach parentale et auteure
julie.renauld.millet@gmail.com